Programme Premières vues cinématographiques de Prague

Au cours du mois de mai 1898, Jan Kříženecký, technicien en bâtiment et photographe amateur, percevant l’impact potentiel de la nouvelle invention sur les Pragois, achète aux frères Lumière en 1898 un cinématographe-type avec ses accessoires et des pellicules. Sa participation aux préparatifs de l’Exposition d’architecture et d’ingéniérie, qui se déroule en été 1898, le motive en effet à s’équiper et présenter des séances dans un pavillon de l’Exposition, qu’il nomme le “Cinématographe tchèque”. Avec cet appareil, qui permet à la fois la prise de vue, le tirage de copies et la projection, il tourne une vingtaine de vues documentaires tchèques de Prague, dont certaines tournées directement pendant l’Exposition, qui rencontrent un franc succès. L'artiste de cabaret et humoriste Josef Šváb–Malostranský contacte alors Jan Kříženecký pour lui offrir une collaboration. Il va ainsi proposer à Jan Kříženecký de créer ensemble des petites scènes comiques dont il sera le protagoniste. C’est ainsi que les trois premières fictions comiques tchèques sont tournées en 1902: Dostaveníčko ve mlýnici (La rencontre au moulin), Smích a pláč (Rires et pleurs) et Výstavní párkař a lepič plakátů (Le Colleur d’affiche et le vendeur de saucisses). Kříženecký met en scène, filme et - mis à part les tous premiers films qu’il envoie à l’Usine Lumière à Lyon pour être développés - tire et développe lui-même ses films. Certains atteignent une qualité photographique remarquable, si bien que les frères Lumière achètent le film Voltýžování jízdního odboru Sokola pražského, qu’ils incluent dans leur catalogue sous le titre Voltige à cheval à Prague. Un des autres thèmes de prédilection du cinéaste, particulièrement cinégénique, les exercices de gymnastique du mouvement sportif national Sokol, constitue en effet une part importante des vues préservées.
Après l’Exposition universelle, en dehors des comédies tournées avec Švab-Malostranský, sa production devient sporadique jusqu’en 1908, Jan Kříženecký ne parvenant pas à obtenir des revenus suffisants pour faire du cinéma son activité principale. Il n’en est pas moins le premier, et jusqu’à cette date au moins, le seul cinéaste professionnel tchèque, nous offrant plus de 120 ans plus tard, un spectacle privilégié sur le tournant du siècle dernier à Prague. Comme les films Lumière, les films de Jan Kříženecký sont les reflets de leur temps. Au-delà de l’optimisme technologique et scientifique qu’il incarne, le “Cinématographe tchèque” propose au spectateur Fin-de-Siècle (et à celui du XXIème siècle) une image de la ville, de ses périphéries et de ses habitants centrée sur des événements rassembleurs positifs (cérémonies, courses de chevaux, exercices de gymnastique ou militaires) ainsi que sur des scènes quotidiennes d’une gaieté ravissante.

Pour rapprocher le spectateur actuel des vues cinématographiques présentées lors de cette séance, une introduction à chaque partie permettra d’éclairer le contexte culturel et social dans lequel elles ont été tournées et de mieux se projeter dans la réalité pragoise de l’époque.

Nous présentons lors de cette séance tous les films de Jan Kříženecký dont il existe au moins un matériau d’époque, au plus près de leur beauté photographique, grâce à une numérisation respectueuse des qualités photochimiques de la pellicule Lumière.