Images : Joris Ivens, François Rents, Henri Storck
Source : Fonds Henri Storck
Evénement : Travelling 2012, Travelling 2012
En 1932, la misère s'abat sur le monde ouvrier à la suite d'une grande crise économique. Dans la région du Borinage, cent mille mineurs se mettent en grève pour protester contre une réduction des salaires. La réaction patronale est sans pitié.
Film de commande tourné avec peu de moyens, dans l'urgence et dans la semi-clandestinité, ce film dénonce les conditions misérables dans lesquelles vivent les mineurs, ces derniers rejouant leur propre rôle.
Il pose également Henri Storck comme un maître du documentaire, dont beaucoup de cinéastes belges s'inspirèrent par la suite (Luc de Heusch, Paul Meyer, et Patric Jean soixante ans plus tard).
À bien des égards le film fondateur du cinéma belge revêt des allures révolutionnaires. Premier film de témoignage à rendre compte à vif, caméra dans les plaies, de l'insupportable réalité d'une oppression, celle de la classe ouvrière dans le bassin des charbonnages.
Première expérience de la mise en fiction du réel : à chacun faire réinterpréter son propre rôle à l'écran, une pratique qui caractérisera pour longtemps le cinéma belge, de Meyer à Lehman. Premier point de vue documenté : enquêter, regarder, s'immerger puis traduire et restituer. Première plongée dans le social d'un pays où l'on n'apprécie guère que les artistes viennent porter la contradiction, Misère au Borinage a presque tout réinventé.
« Crise dans le monde capitaliste. Des usines sont fermées, abandonnées. Des millions de prolétaires ont faim ! C’est sur ces mots de manifeste et de révolte que s’ouvre ce film fondateur du cinéma belge et une des références les plus importantes du film documentaire.
En 1932, une grande grève avait paralysé les charbonnages de Wallonie et la réponse patronale et policière avait été sans pitié, le tout dans la sous-information et l’indifférence de la majorité du pays. André Thirifays, Pierre Vermeylen et tous les jeunes gens du club de l’écran indignés décidèrent de témoigner de cette misère noire avec leur arme à eux, une caméra.
Aidés par un médecin et un avocat, avec très peu d’argent, devant se cacher de la police mais soutenus par toute la population, le tournage se passa dans des conditions difficiles et exaltantes. Le film est dur, magnifique. Il a gardé toute sa force, son impact émotionnel d’indignation et de compassion. Il a donné à la classe ouvrière les images les plus fortes de son histoire et de ses luttes.
Parmi elles : les expulsions, l’entassement des enfants dans les maisons taudis, leurs visages émaciés et absents, la procession avec le portrait de Karl Marx, le ramassage du mauvais charbon sur les terrils à l’aube, le mineur mendiant etc., sans oublier le choc du raccord des plans : les maisons vides, alors que des sans-abri dorment dehors, une quasi-famine et aucune aide tandis que des sommes importantes sont dépensées pour la construction d’une église…