Critique : Sans jamais quitter l’espace clos de sa machine de fer, reconstituée avec une belle minutie visuelle, le film adopte ainsi le rythme d’un crescendo affolant et déploie son action à la manière des jeux vidéo modernes dont il emprunte tous les codes : une progression par niveaux, à la fin desquels surgissent toujours de nouveaux boss, une variation des points de vue et plus encore une interaction sensible avec son environnement. Qu’il passe sous un tunnel, provoquant une superbe chorégraphie de guerre nocturne, traverse un paysage enneigé ou tente de se frayer un chemin dans la roche, le train est soumis à une multitude d’épreuves qui sont autant de défis relevés par la mise en scène virtuose de Bong Joon-ho.Et dans cette forme évolutive qu’épouse le film, le cinéaste trouve aussi l’écrin idéal pour son goût des contrastes et des ruptures de ton, chaque nouvel espace visité par les héros prolétaires libérant un nouvel imaginaire. Le comique grotesque de certaines scènes (emportées par la fougue de Tilda Swinton) se heurte ainsi à la violence tragique du périple des rebelles, et le film maintient jusqu’à son terme cette oscillation détonnante entre plusieurs registres, plusieurs émotions. Léger et grave, il avance par saccades et suspensions (ainsi d’une belle scène de bataille interrompue par la célébration du nouvel an), déjouant les attentes avec un sens aigu de la rupture et dessinant une forme libre de blockbuster, affranchie des conventions du genre.