Avec Joachim Calmeyer, Thomas Norström, Bjorn Floberg
Scénariste : Bent Hamer
Evénement : Travelling 2015
Dans les années cinquante, durant le boom industriel de l'après-guerre, un groupe d'observateurs suédois du Home Research visite un village norvégien en vue d'étudier la routine des hommes célibataires dans leur cuisine. En aucun cas, les observateurs ne doivent parler à leurs hôtes. Une fable émouvante pleine d'humour sur l'amitié et l'éternel désir humain d'échapper aux classifications.
Critique : La Norvège de 1944 n'a qu'un grave souci : diminuer le temps de trajet annuel de la ménagère dans sa cuisine. Pour améliorer les gribouillis quotidiens que les jambes dessinent entre le four et le Frigidaire, un très sérieux institut suédois dépêche ses agents chez quelques Norvégiens moyens. Perché sur une chaise haute d'arbitre de tennis, l'employé doit prendre en note tous les mouvements de son cobaye, avec interdiction de lui parler, et l'obligation de se faire oublier. Le film commence en silence, secoué par des gags secs et inattendus. Du burlesque inclassable, d'une lenteur nerveuse, qui aurait pu suffire à faire de Kitchen Stories une belle comédie inventive. Mais Bent Hamer va plus loin. Plus le film avance, plus les langues se délient. Son huis clos en taudis verdâtre s'humanise. La mécanique flamboyante du comique de situation laisse place aux bons mots. L'inspecteur et son sujet d'observation commencent par des batailles de borborygmes, puis se racontent des blagues (« Pourquoi décapsules-tu tes bières à 5 heures moins 2 ? Parce que 5 heures, c'est vite arrivé ! ) », avant d'en venir aux confidences, et de fusionner par un dangereux processus amical... Alors on ne rit plus. Et on se demande si Bent Hamer n'a pas bu quelques pintes d'aquavit avec Aki Kaurismäki. Un cheval fiévreux qui saigne du nez, une bouche qui livre ses secrets à une oreille (« Écoute ma gueule ! »), une chambre remplie de poivre acheté à un juif au début de la guerre... et voilà qu'une émotion aussi violente qu'imprévue glace les sangs. (Marine Landrot-Télérama)